Anselme Dojat-Gouttard, un normalien à la conquête d’Harvard

L’ENS hors les murs

Créé le
16 janvier 2024
Ce mois-ci, l'ENS s’exporte outre-Atlantique et part à la rencontre d’un normalien, Anselme Dojat-Gouttard, qui s’est envolé en août dernier à Harvard pour y effectuer un lectorat. Qu’est-ce que le lectorat ? Comment choisir où candidater ? Est-ce facile de s’intégrer dans une université américaine et de se faire à un nouveau mode de vie ? Rencontre.

Cet article est le premier volet d’un diptyque consacré à Anselme. Le second, publié à son retour d’Harvard, permettra d’effectuer un bilan de son expérience en tant que lecteur.
Anselme Dojat-Gouttard
Anselme Dojat-Gouttard

Pourquoi le choix des États-Unis ?

Regrettant de ne pas avoir fait de séjour à l’étranger pendant son cursus à l’ENS, Anselme a décidé de candidater à un lectorat. Ce dernier permet à un étudiant ou une étudiante de l’ENS de dispenser des cours aux étudiants et étudiantes d’une université d’accueil, située hors de France. Étant déjà parti aux États-Unis, sans que l’expérience « ne le séduise outre-mesure », c’est plutôt le Royaume-Uni qui l’a d’abord attiré « pour sa proximité et sa culture ». Néanmoins, le processus de recrutement y est plus difficile depuis le Brexit, et le lectorat moins bien rémunéré qu’aux États-Unis. Pensant « à tort qu’il faut parler la langue du pays » lorsque l’on souhaite devenir lecteur dans des nations non anglophones, il a seulement fait des demandes pour ces deux destinations. Après avoir pesé le pour et le contre, c’est le territoire américain qui a semblé le mieux convenir à ses attentes.

Ce dernier étant vaste, il lui a ensuite fallu choisir où tenter sa chance. Si l’UCLA et Stanford lui semblaient attrayants, la côte ouest restait « difficile à vivre sans voiture » et son « mood l’attirait moins ». Il avait par ailleurs « déjà entrevu le Deep South à Atlanta ». La côte est représentait alors une « bonne alternative ». Enfin, si « New York City faisait rêver, ses prix un peu moins ». Anselme a donc postulé en priorité à Harvard « pour le prestige de son université, et le côté européen, facile à vivre et à explorer sans voiture ». Il a alors classé ses vœux de la façon suivante : Harvard, Yale puis 3 colleges anglais. Ayant été sélectionné dès le premier tour à Harvard, et ne disposant que de deux jours pour confirmer ce choix, « les quelques doutes qu’il [lui] restait quant à [s]a volonté de [s’] envoler un an outre-Atlantique ont été balayés par l’urgence de la décision ».

Être lecteur de français à Harvard

Sur place, le quotidien d’Anselme est rythmé par les deux cours de français pour débutants et débutantes qu’il donne quatre fois par semaine. Cela demande du travail « entre la préparation des cours, les réponses aux mails, les questions administratives et les corrections ». Il souligne également que « l’encadrement pédagogique dispensé par la responsable des teaching assistants est sérieux, et il est requis de rendre plusieurs travaux qui prennent du temps ». En complément du lectorat, Anselme est également un graduate student reading group sur l’histoire du livre à l’époque moderne, cours pour lequel il doit lire environ cinq articles toutes les deux semaines.

La vie étudiante sur le campus d’Harvard

Le poste de lecteur laisse du temps à Anselme pour expérimenter la vie étudiante sur un campus américain. Il s’est rapidement investi dans la vie associative de l’université, en rejoignant le Harvard Radcliffe Orchestra et d’autres orchestres étudiants, pour lesquels il a de quatre à cinq répétitions par semaine. Il ajoute que les activités liées au campus sont « surtout pour les undergraduates même si les graduates et les PhD candidates de chaque département organisent des événements auxquels il est possible d’aller ». Il assiste aussi de temps en temps aux événements du département des Langues et Littératures romanes (auxquels les lecteurs de français sont rattachés) et surtout à ceux du département d’histoire.

« Plutôt beau » et « très grand », le campus d’Harvard est « très richement équipé en termes de bibliothèques, musées, archives et ressources ». Un seul regret : « il n’y a pas de machines à café ! alors que les cafés au coffee shop coûtent très cher ! ».

En ce qui concerne l’intégration en tant que lecteur, Anselme côtoie de nombreux teaching assistants et participe à une multitude d’événements du département d’histoire. Il souligne néanmoins qu’il est difficile de « tisser des liens avec les étudiants du campus ». Une grande majorité d’entre eux sont des undergrads. Les teaching assistants ne peuvent donc pas réellement se lier d’amitié avec eux, en raison de leur statut. Le fait qu’ils vivent dans les résidences du campus ne « facilite pas les rencontres ». Anselme a toutefois pu « rentrer dans l’orchestre et faire une retraite d’une semaine avec ses membres ». Il a également rencontré quelques graduate students du département de Langues et Littérature romanes, qui sont aussi souvent teaching assistants.

Un nouveau mode de vie

Arrivé mi-août, Anselme s’est installé dans une première colocation qu’il a quittée pour emménager avec deux Américaines. Il a gardé un très bon contact avec ses premiers roommates, avec qui il « a organisé un roadtrip dans le sud-ouest des États-Unis pour quitter Boston au printemps ». Quand il n’étudie pas, Anselme écume les « très riches musées de Boston et de Cambridge, la ville et les bars ». Et pour vraiment se mettre dans la peau d’un Américain le temps d’une année, il a décidé de « s’acheter l’outfit du vrai runner qui, pour les hommes, se réduit souvent à une bouteille d’eau très technique, des chaussures et un short puisque courir semble faire partie des mœurs américaines masculines ». Il espère également pouvoir passer son permis « pour 65 dollars » et « arpenter la côte est dans une automatique louée ».
 



Les conseils d’Anselme pour candidater à un lectorat

À l’ENS, les possibilités pour étudier à l’étranger sont nombreuses : que ce soit en Erasmus, en stage ou encore dans le cadre d’un lectorat. « Possibilité d’échange bien connue des normaliens », régulièrement informés par la Direction des relations internationales (DRI), le lectorat permet ainsi à un étudiant ou à une étudiante de dispenser des cours (littérature, civilisation, langues) aux étudiants de l’université d’accueil. Cette dernière lui verse alors une bourse. Lorsque l’élève est fonctionnaire-stagiaire, il doit donc suspendre son traitement, c’est-à-dire qu’il ne perçoit pas son salaire pendant la durée du lectorat.

Pour faciliter ses démarches, Anselme avait lu les rapports des anciens lecteurs et contacté deux d’entre eux « qui avaient été très réactifs pour l’aider dans le choix de l’université, l’intérêt du lectorat et les diverses angoisses administratives ».

Le processus de candidature se fait relativement tôt dans l’année et demande de faire entre 3 et 5 choix. Les CV des normaliens et normaliennes étant assez similaires, « ce qui compte le plus, ce sont les lettres de motivation ». Anselme conseille « d’insister sur sa motivation à vouloir enseigner, avoir une expérience dans le domaine, et trouver des professeurs et professeures, bibliothèques, laboratoires, ressources, etc, dans l’université qui motivent l’intérêt à y séjourner un an ». Selon lui, « toutes les universités sont intéressantes, il est donc facile d’y trouver son compte » mais il « faut savoir chercher », car les sites des universités étrangères ne sont pas toujours évidents à comprendre. L’outil de recherches ‘Hollis’, qui permet de naviguer dans les collections des diverses bibliothèques (Widener Library, Houghton Library, Lamont Library,… ), est d’ailleurs très utile. Il recommande enfin de ne pas hésiter à contacter d’anciens lecteurs.

La sélection se fait en deux temps : les étudiants et étudiantes qui ne sont pas satisfaits de leur premier résultat peuvent tenter d’avoir une autre université au second tour, en fonction des annulations ou des désistements.