Le Présent de l'image

Conférence de Emanuele Coccia

Dans le cadre du séminaire de recherche Le Présent de l'image (République des Savoirs - CIEPFC - ED 540) . Le séminaire est conçu et organisé par Chiara Vecchiarelli.

Le séminaire “Le présent de l'image” conçu par Chiara Vecchiarelli, qui se pense dans le prolongement du séminaire qui a eu lieu au cours de l'année 2018 (avec Christian Jambet, Anne Lefebvre, Jean-Luc Nancy), se propose d’ouvrir un espace de réflexion autour des théories et des pratiques artistiques qui s’interrogent aujourd’hui sur les régimes de présence des images aussi bien que sur leur relative indépendance et extériorité, et qui développent directement où indirectement une pensée de l’imagination comme fonction du réel.

Si une tradition philosophique a pensé l'image sous le signe de l'absence, du manque, du simulacre jusque à en faire le lieu d’élection de l'envers du réel, le séminaire “Le présent de l'image” fait appel à un changement de perspective, et propose d'adopter un regard critique envers toute conception de l'image visant notre éloignement du réel et résonnant encore aujourd'hui avec la thèse sartrienne qui a voulu faire de l'imagination la fonction irréalisante de la conscience.  
Il s'agira de penser aux images comme à des opérateurs doués de réalité, participants au processus du vivant et occupants une position décisive dans notre rapport au monde : une position théorique et concrète qui fonctionnerait comme point d’indécidabilité et lieux d’articulation de couples conceptuels tels que celui d’objet et de sujet, et de monde intelligible et monde sensible. C’est à la lumière d’une réflexion sur l’ontologie de l’image et sur sa propre temporalité – là où l'image et l'imagination se rejoignent – que l’on propose de penser ce sujet. L’image dans sa relative extériorité, appréhendée autrement que par le seul sujet de l’imagination, s’offrira d’une part comme efficace clé de lecture de pratiques artistiques contemporaines autrement insaisissables, d’autre part comme centrale à la compréhension de la vie même.

Une attention particulière sera réservée aux réflexions portant sur le caractère temporel de l'image, sur la fonction que celle-ci joue dans notre rapport au temps, afin de suggérer que c'est dans l'image qu'il en va pour nous de notre rapport au présent.
Des philosophes, des théoriciens de l'image aussi bien que des artistes qui s'interrogent sur ces questions sont invités à présenter leur propre réflection sur ce sujet. Chaque séance sera articulée autour de la présentation d'un regard sur l'image et de la discussion des enjeux que celui-ci soulève.

Résumé de la conférence

Un cocon est un artefact particulier : il s'agit d'un objet qu'un individu construit pour changer radicalement sa forme, son mode d'être et son monde. Il s'agit d'une sorte d'oeuf postnatal à l'intérieur duquel l'individu produit activement sa propre indétermination. Le séminaire propose de considérer le cocon comme paradigme de la technique du vivant. A partir de l'analyse des cocons dans les insectes, nous essayerons de tracer une nouvelle philosophie de la technique. 

Emanuele Coccia est maître de conférences en philosophie à l’Ecole des Sciences Sociales (EHESS) à Paris. Il a étudié à Macerata, Florence, Berlin et Paris et a enseigné la philosophie médiévale à l’Université de Freiburg notamment. Professeur invité de différentes institutions, dont l’Italian Academy for Advanced Studies de New York, il a publié plusieurs ouvrages, traduits en différentes langues : La Trasparenza delle immagini. Averroè e l’averroismo (Milan 2005), La vie sensible (2010), Le bien dans les choses (2013), La vie des plantes (2016).  Il est également l’éditeur (avec G. Agamben) d’une anthologie sur l’angélologie dans le judaïsme, le christianisme et l’islam (Angeli. Ebraismo Cristianesimo Islam, Vicenza 2009).


Chiara Vecchiarelli est philosophe, critique d'art et commissaire d'exposition. Depuis 2015 elle conduit une recherche sur la fonction réalisante de l'image à l'École normale supérieure, Paris, où elle tient le séminaire Le présent de l'image. Sa thèse se formule au carrefour entre deux théories de l'image qui sont mises en résonance entre elles bien que elles aient étés développées au sein de deux philosophies apparemment distantes l'une de l'autre : celle du « monde imaginal » dans lequel Henry Corbin trouva la dimension ontologique rendant possible l'articulation du sensible et de l'intelligible, et celle du « cycle de l'image » présentée par Gilbert Simondon au cours des mêmes années, reconnaissant à l'image une fonction ontogénétique et que la thèse éclaire de manière inédite à travers une analyse du processus biologique de métamorphose. C'est par le stade imaginal que l'individu passe dans la transition qui s'opère, dans la chrysalide et le cocon, entre chenille et papillon. La thèse suggère que le caractère de pluripotentialité des disques imaginaux est pour le papillon comme pour d'autres vivants la source de ce même indéterminé qui dans la philosophie simondonienne rend possible le processus d'individuation tout au long de la vie d'un individu. Au cœur de cette rencontre – dans le prolongement des intuitions de ces philosophies majeures que la thèse entend renouveler à la lumière de l'imaginal biologique – se déploie une réflexion portant sur le caractère temporel de l'opération d’image.


 

Mis à jour le 20/2/2019