Le Louvre Abou Dhabi, musée miroir ?

Par Alexandre Kazerouni

Par Alexandre Kazerouni, chercheur à l’ENS, politologue, spécialiste du monde musulman contemporain et des pays du pourtour du golfe Persique en particulier.

Séance introduite par Nathan Naccache, élève au département de philosophie de l'ENS.

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Premier musée universel du monde arabe, le Louvre d'Abou Dhabi a été inauguré, après dix ans de construction, le 8 novembre 2017 par les dirigeants de la France et des Emirats arabes unis, le Louvre Abu Dhabi est la première pierre du vaste projet de district culturel lancé en 2007 dans la capitale des Emirats arabes unis (EAU) par la famille du sultan Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane.

Alexandre Kazerouni s’est intéressé, dans son ouvrage  « Miroir des cheikhs, musée et politique dans les principautés du golfe Persique » (paru le 1er mars 2017 aux PUF) , à l’utilisation politique des musées par les familles régnantes des principautés du Golfe.

Dans le cadre du séminaire Actualité Critique de l'ENS, le 30 novembre 2017, il est revenu sur l’élaboration du Louvre Abou Dhabi.

L’association entre « pays du Golfe » et « culture » est nouvelle, et elle étonne, tant elle contredit l’image habituellement associée aux principautés du golfe Persique. La multiplication des annonces de musées à forte visibilité internationale au Qatar et à Abou Dhabi en a été la forme la plus éclatante ces dernières années. Or, ces musées-miroir, comme l’auteur les appelle, n’ont pas émergé dans un désert culturel. Le Louvre Abou Dhabi n’est pas un « Louvre des sables ». Dès les années 1970, les États de la rive sud du golfe Persique s’étaient déjà tous dotés d’au moins un grand musée national.

En comparant ces deux modèles de musées, Alexandre Kazerouni montre comment de la deuxième guerre du Golfe (1990-1991) est né un nouvel ordre régional qui a non seulement mis à mal l’hégémonie saoudienne sur la péninsule arabique, mais a aussi modifié le rapport de force entre les familles régnantes et leurs sujets. En opérant une plongée dans la vie politique intérieure si mal connue du Qatar et d’Abou Dhabi, Le Miroir des cheikhs donne à voir comment l’adoption des marques culturelles du libéralisme peut nourrir l’exclusion politique des classes moyennes dans un régime autoritaire.