Étienne Koechlin lauréat 2019 du prix Lamonica de neurologie

Vingt ans de travail sur le lobe frontal récompensés

Félicitations à Étienne Koechlin, directeur du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles de l’ENS et directeur de recherche à l’INSERM.
Étienne Koechlin
Étienne Koechlin

Un prix qui récompense 20 ans de travail sur le lobe frontal et ses fonctions dans la prise de décision

Le prix Lamonica de neurologie 2019 récompense les travaux de recherche d’Etienne Koechlin sur les fonctions du lobe frontal dans la prise de décision, le raisonnement et le jugement qui sous-tendent la pensée et le comportement chez l’homme, y compris dans des situations complexes.
« Quand j’ai débuté mes recherches dans les années 1990, il s’agissait d’une région encore très mal connues, une terra incognita un peu mystérieuse. Au moyen de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, j’ai donc commencé avec mes collaborateurs à explorer cette région, à étudier comment son architecture anatomique se traduit en une architecture fonctionnelle et cognitive qui fonde nos jugements et décisions et in fine nos comportements. » explique-t-il.

Avec son équipe, il a ainsi pu effectuer ce passage de l’anatomie aux fonctions et aux comportements en développant des modèles mathématiques et surtout « en cherchant à se poser les bonnes questions !  Ce fut un travail vraiment pionnier et audacieux donc risqué ».
Mais 20 ans après, Étienne Koechlin et ses collègues ont fait des avancées considérables en proposant une cartographie anatomique, computationnelle et cognitive très complète du lobe frontal humain. Largement reconnues par la communauté scientifique, elles guident une grande partie des recherches actuelles dans ce domaine tant sur le plan fondamental qu’appliqué, de la clinique à l’intelligence artificielle. La faculté de jugement et de décision associée au lobe frontal est en effet particulièrement altérée dans la plupart des maladies neuropsychiatriques et l’intelligence artificielle a encore beaucoup de mal à la reproduire. 

 

En savoir plus sur la nature des troubles associées à certaines pathologies neuropsychiatriques comme la schizophrénie

Actuellement, Etienne Koechlin travaille sur la notion de créativité et notamment sa relation avec le jugement et l’adaptation à des situations complexes, c’est à dire incertaines, changeantes et ouvertes comme nombre de celles que nous rencontrons dans la vie de tous les jours.
 « Je m'intéresse aussi à la notion de décision elle-même, qui est un concept apparemment simple mais au fond très artificiel et qu’il est difficile d’appréhender sur le plan des mécanismes neuronaux et biologiques. ».
Le Prix Lamonica lui permettra d’approfondir cette deuxième question qui touche à des aspects assez fondamentaux : comment biologiquement passe-t-on d’une représentation mentale ou neurale distribuée de jugement/croyances portant sur de multiples options à un comportement unique ? La question n’est pas sans rapport sur le plan formel à la notion d’observation et de « réduction du paquet d’onde » en physique quantique, sachant évidemment que le fonctionnement du cerveau n’a pas grand-chose à voir avec la physique quantique.
« Mon intuition est que, en creusant cette question, on avancera aussi par ricochet sur la nature des troubles associées à certaines pathologies neuropsychiatriques telles que la schizophrénie »

 

Un parcours atypique : quand un économiste devient neuroscientifique

Diplômé de l’École Polytechnique et de l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique, Étienne Koechlin a d’abord travaillé dans une grande entreprise publique en tant qu’économiste. Il se rend rapidement compte qu’il s’intéresse surtout au processus de prise de décision et de l’exercice du libre-arbitre de l’homme. Qu’à ne cela tienne ! Il choisit alors d’entamer des recherches sur ce sujet en commençant par préparer le DEA de Sciences Cognitives (l’ancêtre du master de Sciences Cognitives de l’ENS) puis une thèse de doctorat en Neurosciences Computationnelles, soutenue en 1996.
«  Je voulais surtout observer ce qui se passe dans le cerveau humain lorsque nous faisons preuve de jugement dans nos actes. » précise-t-il. Pour cela, Étienne Koechlin va donc se former aux toutes nouvelles techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle aux États-Unis. À la suite de ce séjour post-doctoral, il obtient un poste de chargé de recherche au CNRS en 2000 dans un laboratoire INSERM où il a pu continuer ses recherches sur ce thème en associant étroitement l’imagerie cérébrale fonctionnelle, la psychologie expérimentale et la modélisation mathématique.

Il reçoit le prix European Young Investigator Award pour ses travaux, avant de devenir Directeur de Recherche à l’INSERM en 2007. L’ENS lui propose au même moment de créer un nouveau laboratoire de neurosciences cognitives au sein du tout jeune Département d’Etudes Cognitives.
« Grâce au Prix Coup d’élan pour la recherche française de la Fondation Bettencourt-Schueller, j’ai ainsi fondé le Laboratoire de Neurosciences Cognitives en 2009 avec de jeunes collègues dont j’appréciais particulièrement les travaux et les qualités humaines. » explique-t-il. Il dirige toujours ce laboratoire qui porte désormais le nom de Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles et regroupe environ 60 personnes.
« Je consacre encore l’essentiel de mon temps à la recherche, à étudier les fondements cérébraux et les structures psychologiques du jugement et de la décision humaine, on pourrait dire de la liberté humaine, avec autant de passion qu’au premier jour ! »

À propos du prix Lamonica
Anciennement prix de la Fondation pour la recherche biomédicale (PCL), le prix Lamonica est un prix annuel de neurologie attribué par l’Académie des sciences à un(e) scientifique, sans aucune condition de nationalité, travaillant dans un laboratoire français. Un montant de 10.000 € est destiné au/à la lauréat(e) et les 90.000 € restants permettront de contribuer à la participation au financement d’un post-doctorat.

 

Félicitations aux lauréats suivants de l'ENS récompensés par l'Académie des Sciences :
- Prix Verdaguer : Frédéric Pincet, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique au Laboratoire de Physique de l'ENS.
- Prix des Sciences de la mer-IFREMER : Laurent Bopp, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique au département de Géosciences à l’ENS.
- Prix Mergier-Bourdeix : Slava Rychkov, professeur permanent à l’Institut des hautes études scientifiques et professeur à l’ENS.
- Prix Jeannine Courrier : Cécile Charrier, chargée de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale à l’Institut de biologie de l’ENS.
- Prix Jean-Jacques Moreau : Francis Bach, Ingénieur des Mines, en détachement au département d'informatique de l’ENS au Centre de recherche INRIA de Paris