De l'herméneutique à l'ethanalyse

Séminaire Philosophies du sens

Séance dans le cadre du séminaire Philosophies du sens organisé par l'IRePh/ université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense/ UMR 8547 (Pays germaniques)

Par Jean-Michel Salanskis ( Université Paris Ouest Nanterre La Défense )
 

Jean-Michel Salanskis présentera ce qu'il dégage comme un nouveau type d'enquête philosophique, l'ethanalyse, à partir des résultats obtenus dans ses précédents ouvrages: après avoir fait valoir la transversalité et l'universalité du sens en montrant l'opération du "schéma herméneutique", notamment au sein des mathématiques, il proposait, dans "Sens et philosophie du sens" (Desclée De Brouwer, 2001), une compréhension du sens fondée sur l'adresse, inspirée de Levinas. Enfin "Territoires du sens" (Vrin, 2007) et "Partages du sens" (Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2014) décrivent les diverses régions du sens correspondant aux vectorisations de la culture.


Le séminaire se proposera de réfléchir sur l'émergence de la notion de sens comme catégorie directrice de la philosophie, et non plus seulement comme objet de l'herméneutique, à partir de Kant et jusqu'à l'émergence de la pensée contemporaine. Les corpus étudiés privilégieront la philosophie allemande sans exclure d'autres apports.
Il s’agit donc de s’intéresser à la notion de sens et de signification (Sinn, Bedeutung) hors de leurs usages directement sémiotiques – soit la perspective que « quelque chose ait un sens ». Dans une telle expression, il ne semble pas en effet que nous faisions pour autant de ces « choses » des signes. La structure d’un « sens » dont seraient porteuses soit les choses, soit surtout la façon dont nous les vivons et en faisons des pièces de notre expérience (ce qui rend en fait cette acception du terme très commune), pourrait être décrite plutôt comme le renvoi d’une réalité donnée à l’horizon d’une réalité (ou d’une idéalité) cette fois simplement postulée, que l’on peut certes nommer, mais pas directement connaître. C’est pourquoi on peut penser que c’est notamment avec Kant que s’ouvre la possibilité philosophique de penser cette structure : c’est en effet aussi celle qui lie l’expérience aux « idées de la raison », notamment les idées de la raison pratique. Si en effet, un objet tel que « Dieu », les diverses instances divines, a de tout temps été capable d’aimanter la réalité humaine en la projetant vers un autre ordre que celui qui paraît émaner du donné, Kant pose le geste de rupture par lequel la philosophie ne posera plus Dieu comme être (dont l’attribut est alors la perfection ; objet de la connaissance métaphysique), mais comme idée orientant l’agir pratique, à partir de ce qu’on ne peut pourtant que « penser » (donc cette fois comme simple limite de la connaissance métaphysique).
Autrement dit, nous sommes désormais renvoyés à ce qui rend pour nous possible l’exercice de la liberté non pas comme à une réalité dont l’effectivité serait certaine en tant qu’antérieure à la nôtre – mais comme à l’objet d’une fin/« telos ». Ce qui fait que quelque chose « fait sens » dans l’existence aurait donc le mode d’effectivité de la cause finale : ce pourquoi on est aussi en droit de penser qu’il agit sur nous, selon la formule aristotélicienne cette fois, « ὤς ἐρώμενος », comme objet d’un/du désir.

Contact: christian.berner@u-paris10.fr/ charlotte.morel@ens.psl.eu

 

Mis à jour le 19/5/2017