Quelle psychanalyse pour demain ?

Par François Ansermet et Jessica Tran The

Conférence donnée  le 12 janvier 2017 à l'ENS lors du séminaire Actualité Critique.

Intervenants:

François Ansermet est psychanalyste à Genève, professeur de pédopsychiatrie à l’Université de Genève, professeur ad personam à l’Université de Lausanne, chef du Service de psychiatrie de l’enfant et l’adolescent aux Hôpitaux Universitaires de Genève, directeur du Département Universitaire de Psychiatrie à la Faculté de médecine de Genève, membre du Comité Consultatif National d’Ethique à Paris, membre de l’Ecole de la Cause Freudienne. Son champ de recherche est centré sur la clinique périnatale. En collaboration avec le professeur Pierre Magistretti de l’EPFL à Lausanne, il explore le lien entre les neurosciences et la psychanalyse, à partir du paradigme de la plasticité neuronale, en particulier dans le cadre de la Fondation Agalma (www.agalma.ch).

Jessica Tran The est psychologue clinicienne à l’Etablissement Public de Santé Erasme, dans un service de psychiatrie où sont hospitalisés des patients adultes et dans un Centre Medico-Psychologique. Après une formation en psychologie à Paris 7 et en philosophie à l’E.N.S., elle est actuellement doctorante contractuelle en psychanalyse et en psychopathologie à l’Université Paris 7, et prépare sa thèse sur L’hypothèse freudienne du délire comme tentative de guérison dans la psychose : enjeux interdisciplinaires et portée clinique, en co-tutelle entre le Pr. François Ansermet à l’Université de Lausanne et le Pr. Alain Vanier à l’Université Paris 7.

 

« Dans l'intérêt de la science, nous pensons qu'il ne devrait pas être permis qu'une considération quelle qu'elle soit, freine le libre développement de la discipline psychanalytique dans notre Université… »  Pétition d’étudiants de la Faculté de médecine de Budapest,  le 28.01.1919

En 1911, Freud lui-même s’excusait de la monotonie des solutions qu’offre la psychanalyse, retrouvant dans chacun de ses cas son fameux complexe d’Œdipe. Un siècle plus tard, l’image d’une psychanalyse déterministe, prônant une causalité linéaire entre l’histoire infantile et le symptôme du sujet, où les heurts de l’enfance conditionneraient irrémédiablement le devenir de chacun, semble malheureusement toujours persister. Or, quel chemin n’a-t-il pas été fait depuis entre une conception de l’inconscient comme obstacle à la liberté individuelle, condamnant le moi à n’être plus « maître en sa demeure », et le noyau résolument subversif de la découverte freudienne, où chaque sujet, à travers l’expérience de la cure analytique, passerait de la contrainte d’une réalité interne inconsciente à la possibilité de se réinventer, dans un mouvement de création qui, ouvrant à nouveau le champ des possibles, réaffirmerait sa liberté de se choisir comme un être singulier et unique par-delà tout ce qui le détermine ?


Cette potentialité créatrice de la psychanalyse, déjà présente dans les textes de Freud, s’est trouvée renouvelée par Lacan, à travers une prise en compte croissante de la multiplicité des solutions subjectives face aux aléas du réel. Au travers d’une conception qui dépasse les réductionnismes déterministes, nous avons proposé une excursion au sein de ce que pourraient être les jalons d’une « psychanalyse pour demain », effectivement ouverte sur l’avenir, où le psychanalyste se doit de rejoindre « la subjectivité de son époque », comme l’énonçait Lacan : le pari est que la psychanalyse  s’invite dans les débats les plus contemporains, en altérité et en affinité avec ses champs connexes, tels qu’ils peuvent être rencontrés au sein de l’université.

C’est ainsi qu’à l’occasion de cette séance du séminaire d’Actualité Critique, nous avons entrepris de faire dialoguer la psychanalyse avec des avancées scientifiques contemporaines, ainsi qu’avec des questions éthiques nouvelles introduites par le recours aux biotechnologies - en envisageant quels pourraient être les nouveaux enjeux d’une psychanalyse pour demain, esquissant les fondements d’une psychanalyse qui ne cèderait pas à la tentation d’une causalité linéaire et d’un déterminisme clos.

Bibliographie :

Articles ci-joints

Ansermet F., Magistretti, P., « Plasticité neuronale et inconscient », in Ouss, L., Golse, B., Georgieff, N., Widlöcher, D. (Dir.), Vers une neuropsychanalyse ?, Paris : Odile Jacob, 2009, pp.201-211

Ansermet F., « Clivages biotechnologiques », in Golse. B., Braconnier, A. (Dir.), Clivages : du bébé à l’adolescent, entre séparation et rupture, Toulouse : Erès, 2016, 253-268

Autres références:

F. Ansermet, « Impasses de la furor sanandi », in : C. Lefève, J.-C. Mino, N. Zaccai-Reyners, Le soin, approches contemporaines, Paris : PUF, 2016.

F. Ansermet, C. Mejia Quijano, M. Germond, Parentalité stérile et procréation médicalement assistée : le dégel du devenir. Erès, 2006.

F. Ansermet, Clinique de l’origine, Nantes : éditions Cécile Defaut, 2012.

F. Ansermet, La fabrication des enfants. Un vertige technologique. Paris : Odile Jacob, 2015.

F. Ansermet, M. Germond, V. Mauron, M. André, F. Cascino. Clinique de la procréation et mystère de l’incarnation : l’ombre du futur. Paris : Presses Universitaires de France, 2007.

F. Ansermet, M.G. Sorrentino, Malaise dans l’institution : le soignant et son désir. 3ème éd. Paris : Economica/Anthropos, 2013.

F. Ansermet, « Eloge de l’incommensurable », in Mental : revue

internationale de psychanalyse, 2011, 25, pp.129-141.

F. Ansermet, « Quand la science force la réalité », in Quarto, 2014, 107, pp.76-81.

P. Magistretti, F. Ansermet, (dir), Neurosciences et psychanalyse : une rencontre autour de la singularité, Collège de France, Paris : Odile Jacob, 2010; voir en particulier P. Magistretti, F. Ansermet, « Plasticité et homéostasie à l’interface entre neurosciences et psychanalyse », pp. 17-28 ; F. Ansermet, P. Magistretti, « Quel inconscient ? », pp. 195-199.

F. Ansermet, P. Magistretti, A chacun son cerveau : plasticité neuronale et inconscient, Paris Odile Jacob, 2004 – réédité en poche, Odile Jacob, Paris, 2011.

F. Ansermet, P. Magistretti, Les énigmes du plaisir, Paris : Odile Jacob, 2010.

J. Lacan, Le séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome, Paris, Seuil, 2005.

J. Tran The, « La résignation d’un promeneur solitaire : stabilisation de la paranoïa chez Jean-Jacques Rousseau », in L’information psychiatrique, juin-juillet 2016 ; vol.92, pp.483-489.

S. Freud, « Doit-on enseigner la psychanalyse à l’Université ? » (1919), in Résultats, idées, problèmes I, Paris : PUF, 2001.

C. Alberini, F. Ansermet, P. Magistretti, “Memory Reconsolidation, Trace Reassociation and the Freudian Unconscious”, In : Alberini CM, editor. Memory reconsolidation. Amsterdam: Elsevier, 2013. p. 293-312.

S. Freud, « L’intérêt de la psychanalyse » (1913), in Résultats, idées, problèmes I, Paris : PUF, 2001.