Regards sur la justice

Séminaire d'élèves

Le séminaire Regards sur la justice est un séminaire d’élèves qui se propose d’étudier les spécificités et enjeux contemporains du système juridictionnel français, notamment du point de vue de sa dualité juridictionnelle. Ce séminaire se veut résolument interdisciplinaire, faisant toute leur place à des disciplines comme la sociologie, l’histoire ou la philosophie, qui enrichiront cette étude de la justice. Une grande place sera également réservée au droit comparé, qui permet un regard plus distancié sur cet objet juridique familier. Il vise à faire dialoguer le monde académique avec celui des praticiens du droit, notamment des juges, en faisant parler des invités en lien avec ces deux sous-champs du droit.
Les gens de justice, Daumier
Les gens de justice, Daumier

Programme du second semestre


Séance 11 : Bilan sur la justice aujourd’hui (séance conclusive du séminaire)
8 mai 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Séance 10 : Juger la politique / juger les politiques.
24 avril 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Séance 9 : Les juges constitutionnels en France et aux Etats-Unis : regard critique et comparé
27 mars 2024
18h à 20h, Salle Jaurès

La prochaine séance du séminaire Regards sur la justice sera l’occasion de se pencher sur la figure du juge constitutionnel, d’un point de vue critique et comparé. Nous y recevrons Lauréline Fontaine, professeure de droit public à l’université Sorbonne Nouvelle et spécialiste du Conseil constitutionnel. Elle a publié l’année dernière La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, ouvrage dans lequel elle revient sur les différents reproches qui peuvent être formulés à l’égard de cette institution, dont elle considère la juridictionnalisation comme manifestement incomplète.

Cette juridictionnalisation est pourtant constamment mise en avant, que cela soit par la doctrine ou par l’institution elle-même. Elle semble coïncider avec la volonté de rapprocher le Conseil constitutionnel d’une « cour suprême ». À ce titre, l’inspiration de la Cour suprême américaine est la plus marquante. Elle s’est plus que jamais manifestée par la loi constitutionnelle du 8 mars 2024, qui cite dans son exposé des motifs la décision Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022.

C’est grâce à la présence de Mitchel Lasser que nous tenterons de comprendre la place et le rôle de la Cour suprême dans la société américaine pour la comparer au Conseil constitutionnel. Professeur à la Cornell Law School, spécialiste de droit comparé et du système juridictionnel français, il s’est notamment illustré par ses travaux sur la comparaison des styles judiciaires des cours américaines et françaises.

Comme le soulignent nos deux invités, la qualité de la motivation est au cœur de la légitimité des juges. Mais cette qualité manque cruellement au Conseil constitutionnel, selon Lauréline Fontaine. Celui-ci ne semble pas pour autant participer de la « bifurcation » de la motivation que souligne Mitchel Lasser dans le cas de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat.

Outre la question de la motivation, c’est plus généralement l’exposition sans précédent subie tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour suprême américaine qui interroge sur leur rôle et leur légitimité, à la lumière de leur composition, de leur impartialité et de leur indépendance, de leur fonctionnement, et bien sûr de leur pouvoir normatif et donc politique, autant de questions que aborderons lors de cette séance.

Séance 8 : Guillaume Dustan : itinéraire d’un écrivain-juge.
13 mars 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Dans son ouvrage canonique de 1988, Law and Literature: A Misunderstood Relation, le juge et professeur de droit américain Richard A. Posner définit le courant « droit et littérature » autour de trois axes: la littérature sur le droit, le droit comme littérature et la régulation de la littérature par le droit.

Pour explorer les liens entre le droit et la littérature, nous nous concentrerons sur l’exemple de l’écrivain Guillaume Dustan. Avant de se consacrer à l’écriture et à l’édition, Guillaume Dustan est d’abord juge administratif, après sa sortie de l’ENA. Guillaume Dustan, écrivain sulfureux et médiatique, est en effet le nom de plume de William Baranès, juge et juriste. S’il semble en première analyse difficilement se prêter à une étude au prisme du courant « droit et littérature », au vu de la discrétion qu’il entretient dans ses ouvrages sur son activité de juge, c’est toutefois l’approche que nous avons retenue.

Il apparaît en effet que des traces de ses activités juridiques sont visibles dans ses activités d’écriture, et que l’une et l’autre de ces activités ont pu avoir des influences réciproques tant sur le fond que dans le parcours biographique de Dustan. Nous nous pencherons ainsi sur l’articulation de ces deux activités en une même personne, activités qui présentent un certain nombre de similitudes mais peuvent aussi entrer en conflit. Ceci nous amènera à chercher à définir les contours de son œuvre, en questionnant l’inclusion dans celle-ci de ses écrits juridiques.

Pour aborder ces différents thèmes, et comprendre la correspondance entre œuvre littéraire de Dustan, et juridique de Baranès, nous recevrons Marie-Anne Frison-Roche, professeure de droit et amie de William Baranès, ainsi que Thomas Clerc, écrivain et maître de conférences en littérature contemporaine, qui établit, préface et annote les œuvres complètes de Dustan aux éditions P.O.L.


Séance 7 : Les juges d’aujourd’hui : vers de nouvelles formes de légitimité ?
28 février 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Cette séance portera sur la question de la légitimité de la justice. Nous aurons l’honneur d’y recevoir Pierre Rosanvallon, professeur honoraire d’histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France, ainsi que Maxime Doliveux, magistrat à la Cour de cassation, chargé de communication du procureur général.

Suite à la censure partielle de la loi immigration, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius s'exprimait publiquement afin de défendre la décision rendue par les Sages, répondant aux attaques politiques visant l’institution. Fréquemment remise en cause, la question de la légitimité de la justice se pose avec d’autant plus d’acuité que le pouvoir judiciaire connaît de profondes transformations. Ainsi, les contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité, s’ils renforcent les pouvoirs du juge sur l’action politique, amènent à la fois à exposer un peu plus les magistrats. Parallèlement a été engagé un mouvement de réflexion sur la motivation des décisions de justice en vue de renforcer leur caractère pédagogique, qui s’est concrétisé par des réformes récentes portées par les cours suprêmes. Outre ces évolutions relatives à la motivation, la nécessité de communiquer davantage semble s’être imposée, contribuant à rendre visible et à individualiser la figure du juge, parfois conçue de façon désincarnée.

Plus fondamentalement, l’essor des contrôles juridictionnels semble aller de pair avec l’émergence d’une nouvelle forme de légitimité démocratique, au sein de laquelle l’action politique ne pourrait s’exercer sans contraintes, celle-ci étant mise en tension avec les droits fondamentaux des justiciables.

Dans ce contexte, sur quels principes peut-on fonder l’intervention croissante du juge ? À quels obstacles celui-ci est-il confronté dans l’exercice de ses missions? Quelles perspectives existent donc pour renforcer la légitimité de la justice, alors que celle-ci est fréquemment remise en cause, notamment à travers la critique du "gouvernement des juges" ? Autant de questions auxquelles nos invités chercherons à répondre lors de notre 7e séance.


Séance 6 : Rendre la justice en temps de crise : un aperçu comparé de la justice transitionnelle
7 février 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Cette séance portera sur la justice en temps de crise et de transition politiques, à travers l’étude comparée de deux pays : l’Afghanistan et la Colombie.

Dans quelle mesure la justice peut-elle penser les situations de conflits militaires et de changements de régime ? Comment l’institution judiciaire peut-elle être investie en tant que de lieu de lutte pour la légitimité? Enfin, comment interagissent justice internationale et justice nationale en période de transition politique ?

Pour répondre à ces questions, nous vous proposons un détour du côté de la sociologie et du droit international. Nous serons ainsi très heureux d’accueillir Adam Baczko, chargé de recherche au CNRS, qui a notamment travaillé sur la guerre en Afghanistan et les tribunaux talibans. À ses côtés interviendra Shoshana Levy, experte en matière de justice transitionnelle à l’Organisation des Nations Unies et spécialiste de la Colombie.

Séance 5 : Quelle place pour les jurés populaires dans la justice pénale ?
24 janvier 2024
18h à 20h, Salle Dussane

Alors que la place des jurés populaires dans la justice pénale s’est réduite suite à la généralisation des cours criminelles départementales, la singularité du jury mérite d’être interrogée. Suscitant des débats passionnés parmi les professionnels du droit et les chercheurs, les jurys criminels sont-ils amenés à disparaître ou constituent-t-ils une garantie démocratique fondamentale de notre système judiciaire?

De tels enjeux sont d’autant plus à souligner que le déclin du jury populaire n’est pas un phénomène commun à l’ensemble des systèmes
juridiques. Ainsi, aux Etats-Unis, le droit d’être jugé par un jury est protégé par la Constitution. En dehors des réformes récentes, la présence de jurys populaires dans la justice criminelle suscite plus généralement des enjeux de formation et d'incarnation: comment les citoyens sont-ils investis de la mission de juger ?

C’est à la lumière de ces questionnements que nous aurons le plaisir de recevoir Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit pénal,juge-assesseur à la Cour nationale du droit d’asile et président de « Sauvons les assises! » et Rémi Crosson du Cormier, premier avocat général près la Cour d’appel de Paris et membre du comité d’évaluation et de suivi des cours criminelles départementales.

Programme du premier semestre

Séance 1 : La dualité juridictionnelle en question
8 novembre 2023
18h à 20h, Salle Dussane

Pour cette première séance, le séminaire Regards sur la justice a l’honneur de recevoir Madame la Professeure Katia Weidenfeld, professeure d’histoire du droit et juge au tribunal administratif de Paris. Nous discuterons avec elle des origines de la dualité juridictionnelle française, de son histoire, pour finalement questionner sa raison d’être et sa pertinence actuelles. Seront également évoquées des questions telles que la formation et le recrutement des juges administratifs, dans une perspective de comparaison avec les magistrats de l’ordre judiciaire. Les spécificités de l’ordre administratif, notamment dans la pratique quotidienne de cette justice exorbitante du droit commun, seront analysées tout au long de cette séance

Séance 2 : Sociologie comparée des magistratures françaises
22 novembre 2023
18h à 20h, Salle Dussane

Pour cette deuxième séance, le séminaire Regards sur la justice recevra Emmanuel Laforêt, premier conseiller au tribunal administratif de Montreuil, vice-président de l'Union syndicale des magistrats administratifs et membre élu du Conseil supérieur des TACAA, ainsi que Laurent Willemez, sociologue, professeur à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et auteur de Sociologie de la magistrature (Dunod, 2023).

Nous reprendrons nos réflexions sur l'organisation judiciaire française, mais cette fois d'un point de vue sociologique, en s'intéressant aux revendications et aux trajectoires professionnelles des magistrats, qu'ils soient administratifs ou judiciaires. En effet, la dualité juridictionnelle n’a pas, en France, qu’un aspect procédural. Elle se manifeste aussi par l’existence de différentes voies de recrutement et de formation des magistrats, différences qu'il s'agira d'aborder du point de vue des acteurs.

Séance 3 : Le juge face au fait religieux
6 décembre 2023
18h à 20h, Amphithéâtre Jaurès, 29 rue d'Ulm

Bien qu’ancien, le principe de laïcité semble faire l’objet d’une judiciarisation croissante. Ce phénomène pose à la société un certain nombre de questions majeures. En plus d’exposer le pouvoir judiciaire aux controverses, il amène à s’intéresser aux méthodes d’interprétation du juge et à la nature de son office. Le développement de la jurisprudence européenne et le dialogue des juges suscitent également des interrogations quant la présence d’éventuelles interprétations concurrentes en matière de liberté religieuse. Enfin, examiner l’appréciation du fait religieux par le juge amène à se questionner sur la régulation des sphères publiques et privées par l’État, et sur le délicat équilibre à trouver entre neutralité de l’État et liberté religieuse.

Afin de répondre à ces questions, le séminaire accueillera Aurélie Bretonneau, rapporteuse publique de 2014 à 2019 au sein du Conseil d’Etat, qui a rédigé les conclusions relatives à l’affaire dite des « crèches de Noël » (affaires Commune de Melun c/Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne et Fédération de la libre pensée de Vendée).

À ses côtés interviendra Clara Delmas, auteure d’une thèse sur l’appréhension des convictions religieuses par les juges judiciaires, travail qui fut récompensé par le prix Henri Texier I de l’Académie des sciences morales et politiques.

Séance 4 : Conclusion du premier cycle de conférences
20 décembre 2023
18h à 20h, Salle Dussane

La quatrième séance du séminaire Regards sur la justice vient clore un premier cycle de conférences qui s’est attaché à étudier la dualité juridictionnelle française. Celle-ci étant fondée sur l’existence du juge administratif, ce premier cycle aura permis d’accorder à ce dernier une attention toute particulière, qui sera prolongé le mercredi 20 décembre en présence de Bernard Stirn, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques, président honoraire de la section du contentieux du Conseil d’Etat.

Il reviendra sur les évolutions constatées dans l’office du juge administratif au fur et à mesure de sa longue carrière au Conseil d’État. Les questions précédemment abordées lors des premières séances seront ainsi réitérées: quelles sont les sources de la légitimité du juge administratif ? Quelles perspectives pour leur recrutement, tant au Conseil d’État que dans les juridictions du fond ? En quoi la réforme de l’encadrement supérieur de l’État va-t-elle changer les choses sur ce plan ? Quel degré de proximité avec l’administration est-il souhaitable pour les juges administratifs ?

Plus généralement, c’est aussi la question de l’office du juge qui sera abordée. En effet, l’étendue des pouvoirs du juge administratif lui vaut parfois des critiques selon lesquelles il se substituerait à l’appréciation du pouvoir politique. À l’inverse, les occasions où le juge se montre réservé sont la source de critiques tendant à faire du juge administratif un protecteur de l’administration. Le pouvoir jurisprudentiel du Conseil d’État sera enfin interrogé, à l’aune de l’affaiblissement des sources internes utilisées par le juge.

Mis à jour le 25/4/2024